Le « ban » (service militaire noble)
au XVe siècle

Le « ban » est une survivance féodale : l'obligation faite aux nobles d'aller à la guerre lorsque leur suzerain les y appelle.

Cette partie de l'armée est difficile à encadrer, c'est pourquoi, au XVe siècle, les souverains cherchent à mettre en place d'autres troupes : d'une part des troupes régulières, d'autre part la milices des « francs-archers ».Mais elle représente quand même encore une force considérable.

Le texte ci-dessous détaille ce qui exigé du ban de la noblesse bretonne en 1451 (il est daté du 29 mars 1450, mais l'année suivante ne commence qu'à Pâques).


Code couleur adopté ci-dessous pour une lecture plus aisée : suivant le revenu dont ils disposent, les nobles doivent se présenter avec un équipement et un nombre de suivants variable. Les plus pauvres viennent seuls, vêtus en archer ou en juzarmier ; les autres doivent avoir suivants et chevaux.

De tels textes devraient servir d'antidote à certains groupes de reconstitution où « tout le monde est chevalier » : il est sûrement plus historique, plus intéressant, et moins prétentieux, de jouer le rôle d'un bon suivant que celui d'un homme d'armes inexpliquablement esseulé.


Ordonnance du duc de Bretagne Pierre II sur le ban de la noblesse
(29 mars 1450)


 

Ordonnance du Duc Pierre pour faire armer la Noblesse & les Archers des Paroisses : "Preuves" de Dom Morice, Tome II, colonnes 1555-1557. Publié ez plaids generaux de Rennes le 29. jour de Mars 1450. Tiré des Archives du Présidial de Rennes.

Pierre par la grace de Dieu Duc de Bretaigne, Comte de Monfort & de Richemont, à Olivier de Coetlogon nostre Procureur de Rennes, & à son Lieutenant, salut. Comme paravant ces heures, pour la tuition, seureté & deffense de nostre païs, & pourvoir aux entreprises, invasions & descentes des Anglois nos ennemis, eussions fait certaines ordonnances à vous adresées, pour les exécuter, touchant certaine police qui, par l'advisement de nostre Conseil avoit esté faite sur Ies nobles & gens de deffense de nostredit pays, recours à nos lettres sur ce faites ; & est ainsi qu'entretenant nosd. précedentes ordonnances, & en augmentant à icelles, avons, par l'advisement de nostre Conseil, ordonné sur ce certaines déclarations & advisemens, à ce que un chacun de nos subjets tenant fief noble puisse estre acertené de l'estat & habillement en quoi nous devront servir en armes ainsi que cy-aprés sera déclaré.

Et premier, que vous nostredit Procureur en vostredite juridiction, tant par vous que par vos commis & députés, en toute diligence procedez à vous informer & acertainer au plus prés que faire le pourrez, du gain & valeur des richesses & rentes d'un chacun noble homme estaigier & mansionaire en vostredite juridiction, à tenir ladite information faite, & à vous rapporter ; vous à un chacun desdits nobles faites commandement de par nous de se tenir & se mettre en estat & habillement de deffense felon sa puissance & richeses, en la maniere qui ensuit.

Que un chacun desdits nobles que trouverez estre de richesses et revenu du montement de VII. vingt liv. de rente & revenu, & entre celle somme & CC. liv. de revenu, soit en estat & appareil d'hommes d'armes pour sa personne, bien armé son corps, & bon cheval, avec un coustilleur & un page montés, les chevaux compétans, comme en tel cas appartient, prests de nous servir ez armes toutesfois que les manderons.

Item, que les nobles tenant des richesses entre CXL. Iiv. & LX. liv. en descendant, se tiennent en habillement d'archer en brigandine, s'ils se savent aider de traits ; ou autrement soient garnis de bons juzarmes & bonnes salades & harnois de jambes, & aient chacun un coustilleur & deux bons chevaux compétans, ainsi qu'au cas appartient ; & si aucuns desdits nobles qui n'aient la richesse desdites CXL. Iiv. de rente, ains soient au dessous veullent se mettre en habillement d'hommes d'armes, ils le pourront faire, pour tel seront soudoiés passant aux monstres.

Item, que les nobles tenant au dessous de XL. liv. de rente aient brigandines, bonnes salades, ou à tout le moins bons paletocques armes de nouvelle façon, sans manches, à laisches de fer ou mailles sur le bras, avec bons juzarmes ou arcs, s'ils s'en savent aider.

Item, que les Nobles estant entre CC. Iiv. de rente & CCC. soient en appareil d'hommes d'armes, garnis chacun d'un archer ou juzarmier avec brigandines, un coustilleur & un page, en bon habillemens.

Item, ceux d'entre CCC. & CCCC. liv. de rente soient en appareil d'hommes d'armes, garnis chacun de deux archers, & un desdits archers juzarmier en brigandine, avec un coustilleur & un page.

Item, ceux d'entre CCCC. & D. Iiv. de rente soient en appareil d'hommes d'armes, garnis chacun de trois archers, ou au moins de deux archers, un juzarmier, un coustilleur & un page, en bons & suffisans habillemens.

Item, ceux d'entre D.DC. & DCC. liv. de rente soient en appareil d'homme d'armes, garnis chacun de IV. archers, ou III. archers & un juzarmier, un coustilleur & un page, en bons habillemens.

Ainsi ferez savoir par bans & pleds & marchés de votre juridiction, que les archers des Paroisses se mettent sus en habillemens, ainsi qu'il Ieur a esté ordonné, à la fois qu'ils feront mandés, à la peine de X. liv. monnoie d'amande à chacun desdits Paroissiens. Item, ferez pareillement savoir par ban, que les innobles & exempts se tiennent en habillement de deffense, selon l'ordonnance qui leur a esté faite, sur peine de perdre leurs privileges d'exemption, & de la grosse amende ; & que tous les dessusdits nobles se tiennent prests, chacun en son appareil & habillement, ainsi que dessus est devisé, sur peine de confiscation de fief & de foy, & de toute punition rigoureuse en tel cas appartenant. Nous, pour les causes sufdites, vous mandons que promptement & sans délay vous fassiez crier & bannir publiquement la teneur des présentes lettres, vacquiez & entendiez auxdites informations, & selon icelles entérinez & exécutez entierement le contenu en nosdites déclarations & ordonnances, en nous faisant & faites deuë relation & rapport des injonctions & commandemens que sur ce aurez fait à nosdits subjets par nom & surnom, affin que aions connoissance de procéder à punition & amende contre ceux qui n'auront obéi à nostredite ordonnance, ainsi que verrons au cas appartenir de ce faire ; & les choses terminer pertinentes & nécessaires vous avons donné & donnons plein pouvolr de par nous, & mandement spécial ; mandons & ordonnons à tous nos féaux & subjets en ce vous estre obéissans & diligemment entendre ; car ainsi nous plaist.

Donné en nostre ville de Ploermel le 15. jour de Fév. l'an 1450.
Pierre.
Par le Duc, de son commandement, & en son Conseil, Ruallain.



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